Complainte de l'ange incurable
Je t'expire mes cœurs bien barbouillés de cendres ;
Vent esquinté de toux des paysages tendres !Où vont les gants d'avril, et les rames d'antan ?
L'âme des hérons fous sanglote sur l'étang.Le hoche-queue pépie aux écluses gelées ;Et vous, tendres
D'antan ?
L'amante va, fouettée aux plaintes des allées.Sais-tu bien, folle pure, où sans châle tu vas ?
-Passant oublié des yeux gais, j'aime là-bas...Le long des marbriers (Encore un beau commerce ! )-En allées
Là-bas !
Patauge aux défoncés un convoi, sous l' averse.Un trou, qu'asperge un prêtre âgé qui se morfond,
Bâille à ce libéré de l'être; et voici qu'onLes moulins décharnés, ailes hier allègres,Le déverse
Au fond.
Vois, s'en font les grands bras du haut des coteaux maigres!Ci-gît n'importe qui. Seras-tu différent,
Diaphane d'amour, ô Chevalier-Errant?Hurler avec les loups, aimer nos demoiselles,Claque, ô maigre
Errant !
Serrer ces mains sauçant dans de vagues vaisselles !Mon pauvre vieux, il le faut pourtant ! Et puis, va,
Vivre est encor le meilleur parti ici-bas.Au-delà plus sûr que la Vérité ! Des ailesNon ! vaisselles
D'ici-bas !
D'Hostie ivre et ravie aux cités sensuelles !Quoi? Ni Dieu, ni l'art, ni ma Sœur fidèle; mais
Des ailes ! Par le blanc suffoquant ! à jamais,-Tant il est vrai que la saison dite d'automneAh ! Des ailes
A jamais !
N'est aux cœurs mal fichus rien moins que folichonne.Jules Laforgue