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Autre complainte de l'orgue de barbarie

Prolixe et monocorde,
Le vent dolent des nuits
Rabâche ses ennuis,
Veut se pendre à la corde
        Des puits ! et puis ?
        Miséricorde !
-Voyons, qu'est-ce que je veux ?
Rien. Je suis-t-il malhûreux !
Oui, les phares aspergent
Les côtes en sanglots,
Mais les volets sont clos
Aux veilleuses des vierges,
        Orgue au galop,
        Larmes des cierges !
-Après ? Qu'est-ce qu'on y peut ?
-Rien. Je suis-t-il malhûreux !
Vous, fidèle madone,
Laissez ! Ai-je assisté,
Moi, votre puberté ?
Ô jours où Dieu tâtonne,
       Passants d'été,
       Pistes d'automne !
-Eh bien ! Aimerais-tu mieux...
-Rien. Je suis-t-il malhûreux !
Cultes, Littératures,
Yeux chauds, lointains ou gais,
Infinis au rabais,
Tout train-train, rien qui dure,
       Oh ! à jamais
       Des créatures !
-Ah ! ça qu'est-ce que je veux ?
-Rien. Je suis-t-il malhûreux !
Bagnes des pauvres bêtes,
Tarifs d'alléluias,
Mortes aux camélias,
Oh ! Lendemain de fête
       Et paria,
       Vrai, des planètes !
-Enfin ! Quels sont donc tes voeux ?
-Nuls. Je suis-t-il malhûreux !
La nuit monte, armistice
Des cités, des labours.
Mais il n'est pas, bon sourd,
En ton digne exercice,
        De raison pour
        Que tu finisses ?
-Bien sûr. C'est ce que je veux.
Ah ! Je suis-t-il malhûreux !

Jules Laforgue

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