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Dimanches
            C'est l'automne, l'automne, l'automne,
            Le grand vent et toute sa séquelle,
                                   De représailles...
            Rideaux tirés, clôture annuelle,
Chute des feuilles, des Antigones, des Philomèles,
Mon fossoyeur les remue á la pelle...
            Vivent l'amour, les feux de paille!

            Les vierges inviolables et frêles
            Descendent vers la petite chapelle,
            Dont les chimériques cloches
Hygiéniquement et élégamment les appellent;
            Comme tout se fait propre autour d'elles!
            Comme tout en est dimanche!
Comme on se fait dur et boudeur à leur approche...

            Ah! moi je demeure l'ours blanc,
            Je suis venu sur les banquises,
            Moi, je ne vais pas à l'église,
Moi, je suis le grand chancelier de l'Analyse,
            Bien que d'un cœur encor tremblant,
                                Ça se comprend...
(Pourtant, pourtant, qu'est-ce que c'est que cette anémie?
Voyons, confiez vos chagrins à votre vieil ami...)

Alors je me tourne vers la mer, les éléments,
Et tout ce qui n'a plus que les noirs grognements.

                    Mariage, ô dansante bouée
                    Portant pavillon des Armoriques roses,
                    Mon âme de Vaisseau-Fantôme
                    Va, ne sera jamais renflouée,
                                        Elle est la chose
Des sautes de vent, des bandes de pétrels, des nuées...

Hissâo! levez l'ancre!
Hissâo! les Ithaques
Voguent dans les bruines...
Nous reviendrons á Pâques, - Hissâo!
Ou à la Saint'-Catherine
Reprendre nos manteaux.

Jules Laforgue

1ère parution:
La Vogue le 30 août 1886.

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