La mélancolie de Pierrotbouton

Le premier jour, je bois leurs yeux ennuyés....
                  Je baiserais leurs pieds,
                  À mort. Ah! qu’elles daignent
                  Prendre mon cœur qui saigne!
Puis, on cause.... - et ça devient de la Pitié;
Et enfin je leur offre mon amitié.

C’est de pitié, que je m’offre en frère, en guide;
                  Elles, me croient timide,
                  Et clignent d'un œil doux :
                  « Un mot, je suis à vous! »
(Je te crois) Alors, moi, d’étaler les rides
De ce cœur, et de sourire dans le vide.....

Et soudain j’abandonne la garnison,
                  Feignant de trahisons!
                  (Je l'ai échappé belle!)
                  Au moins, m'écrira-t-elle?
Point. Et je la pleure toute la saison....
- Ah! j’en ai assez de ces combinaisons!

Qui m’apprivoisera le cœur! belle cure.....
                  Suis si vrai de nature
                  Aie la douceur des sœurs !
                  Oh viens ! suis pas noceur,
Serait-ce donc une si grosse aventure
Sous le soleil ? dans toute cette verdure...

Jules Laforgue

1ère publication:
La Revue Indépendante avril 1888

Pierrot's Melancholiabouton