Oui, la Vie est pour vous un chemin triomphal.Madrigal
Mais, qui sait des Destins les marches éternelles ?
Riche, aimée à genoux, belle entre les plus belles,
Ce soir, peut-être, après les fièvres du bal,Vous sentirez la mort dans un frisson fatal;
Et votre blond cadavre aux vitreuses prunelles
Ira pourrir dans son doux linceul de dentelles,
Puis, se perdre, anonyme, au tourbillon vital.Or, qui sait ? votre cur ira fleurir, peut-être,
L'illet qu'une ouvrière arrose à sa fenêtre.
Et cet illet, un soir, vendu sur le trottoir,Celui qui maintenant vous roucoule : « Ô mon âme! »
L'offrira dans des louis à quelque fille infâme...
- Et vous les entendrez gémir, dans le boudoir.Jules Laforgue
1ère publication:
Poésies Complètes (Le Livre de Poche) 1970