Complainte de l'orgue de Barbarie
Orgue, orgue de Barbarie,-« Quel silence, dans la forêt d'automne,
Don Quichotte, souffre-douleur,
Vidasse, vidasse ton cœur,
Ma pauvre rosse endolorie.Hein, étés idiots,
Octobres malades,
Printemps, purges fades,
Hivers tout vieillots ?
Quand le soleil en son sang s'abandonne!»Gaz, haillons d'affiches,-«Déjà la nuit, qu'on surveille à peine
Feu les casinos,
Cercueils des pianos,
Ah ! Mortels postiches.
Le frou-frou de sa titubante traîne. »Romans pour les quais,-«Oh ! J'ai peur, nous avons perdu la route;
Photos élégiaques,
Escarpins, vieux claques,
D'un coup de balai !
Paul, ce bois est mal famé! Chut, écoute...»Végétal fidèle,-«Ô ballets corrosifs ! Réel, le crime ?
Ève aime toujours
LUI! Jamais pour
Nous, jamais pour elle.
La lune me pardonnait dans les cimes. »Vêpres, ostensoirs,-«Ils m'ont brûlée; et depuis, vagabonde
Couchants ! Sulamites
De province aux rites
Exilants des soirs !
Au fond des bois frais, j'implore le monde.»Et les vents s'engueulent,-«Je vais guérir, voyez la cicatrice,
Tout le long des nuits !
Qu'est-c'que moi j'y puis,
Qu'est-ce donc qu'ils veulent ?
Oh ! Je ne veux pas aller à l'hospice ! »Des berceaux fienteuxOrgue, orgue de Barbarie !
Aux bières de même,
Bons couples sans gêne,
Tournez deux à deux.
Scie autant que souffre-douleur,
Vidasse, vidasse ton cœur,
Ma pauvre rosse endolorie.Jules Laforgue