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J'ai marché jusqu'au soir par la ville, oh ! Paris,
A parfois de ces jours monotones et gris
Avec son ciel boueux rayé d'averses fines
Ses quais vus au travers d'un rideau de bruines
Les lointains de toits noirs par la brume fondue
Et ses orgues pleurant dans les quartiers perdus !...
..............................................tant la vie apesantie
Comme d'une nausée immense de la vie !-

J'ai marché tout le jour le long des murs lépreux
Remontant lentement des faubourgs ces chancres des cités
Coupés de plaques croupissantes......multitude solitude,
Où vont des chiens errants et des enfants pieds nus
Abrutis de misère, flétris,
Entrevoyant sur mon chemin une cour
Pleine d'éclats de verre de quelque pensionnat,
Derrière une grille, un comptoir, hôpitaux, bouges
Et la morgue, et les cimetières, - les amoureux,
et les corbillards emportant qui eut ses passions, ses...
et qui n'est plus bon qu'à cacher sous la terre -
De pâles débauchés au sang brûlé d'alcool
........................................puis le soir
Quand la nuit de clous d'or sème son velours noir.
A l'heure où l'enfant prie, où !a faim hors des bouges .
Jette sur les trottoirs, seins plâtrés, lèvres rouges,
Les vendeuses d'amour qui sous le gaz blafard
Vaguent flaîrant dans l'ombre un amour de hasard,
J'ai traversé d'abord les faubourgs populeux
Chancres de la cité grouillants de multitude
Où l'hiver, tous les ans, souffle la solitude
Et le grand cimetière aux humbles croix penchées,

De ces jours où sans but, sans joie et sans envie
On erre á travers tout, le cœur las de la vie
La terre roule
Tout cela n'a pas de destinée

Là-bas on fait la guerre, les fleuves roulent des morts,
Là-bas la peste, la famine (dans l'Inde), là-bas des Hottentots
Abrutis contemporains du moderne Paris?

Jules Laforgue

1ère publication:
Œuvres Complètes Tome I (L'Age d'Homme) 1986

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