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Ballade du jour des morts
La neige lente au ciel s'amasse,
Bises d'hiver, psalmodiez !
Le blême Octobre qui trépasse
Sonne le jour des oubliés !
Chacun, travailleurs, ouvriers,
Déshérités et légataires
- Sans consulter calendriers -
Songe aux pauvres morts solitaires.

Oh ! comme en leur suaire de glace
Ils doivent s'ennuyer, muets,
Écoutant dans le vent qui passe
La rumeur des vivants distraits !
Oui, quand les pieds sur les chenets
Nous devisons, par les nuits claires,
Qui, hors les grêles feux-follets,
Songe aux pauvres morts solitaires ?

Mais aujourd'hui l'oubli s'efface
Dans leurs funèbres jardinets.
De Saint-Ouen à Montparnasse,
Du Père-Lachaise aux Novets
La foule assiège les tramways,
Le gueux qui n'a que ses prières,
Le riche chargé de bouquets,
Songe aux pauvres morts solitaires.

ENVOI
Peuple, qu'importe, et tu le sais,
Qu'il n'en reste plus que poussière ?
Tu les sens là, va, c'est assez,
Songe aux pauvres morts solitaires.
20 octobre 1880.
Jules Laforgue
1ère publication:
Divers de Robert Chauvelot (Nouvelles Editions Debresse) 1971

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